• Sommes-nous victimes du jugement des autres ?

    Sommes-nous victimes du jugement des autres ?

     

    A peine sorti du ventre de votre mère, on vous mesure, on vous pèse, on vous toise, on vous contemple. Ce premier jugement est plutôt bienveillant et affectueux. Il n’en sera pas de même tout au long de votre vie. Chacun a bien sûr en souvenir les notes et les remarques des enseignants à l’école. Si la sélection scolaire n’est guère condamnable en soi, elle est parfois traumatisante. Vous retrouverez les mêmes rites tout au long de votre vie professionnelle. Chaque année, vous aurez droit à un entretien individuel avec une notation à la clé. Il n'y a guère que les dernières années de la vie où le jugement est moins présent. Nul besoin de présenter un CV pour faire valoir ses droits à la retraite et encore moins lors de l'entrée au cimetière. Le jugement est permanent et il arrive même que certains le sollicitent. Imaginez : vous recevez des amis à dîner et à la fin du repas, chacun vous attribue une note sur la qualité de votre accueil, sur la décoration de votre table, sur les mets que vous aurez servis. Ou bien vos copines, qui vont juger vos choix vestimentaires, votre coiffure, votre mise en beauté…Des hôtes que vous accueillerez et qui ne vont pas manquer de critiquer votre maison, son confort, sa décoration. Et pourquoi pas carrément votre mariage, l’émotion suscitée par la cérémonie, le choix du lieu de réception, l’ambiance que vous aurez su y insuffler, jusqu’à la pièce montée. Vous aurez deviné que je parle ici d’émissions de télévision. Nul n'est obligé de participer à ce type d'émission et de subir ce type de jugement mais nul n'échappe au jugement des autres. Pour autant sommes-nous forcément victimes de tous ces jugements ? Il y a en effet pire que le jugement et c'est l'indifférence. Vous n'existez plus et vous ne méritez même pas un jugement. L'absence de jugement est souvent synonyme de lâcheté et d'indifférence. La plupart se taisent plutôt que de dire à une femme enceinte qu'il n'est pas bon pour l'enfant qu'elle porte de fumer ou dire à un malotru dans le train qu'on ne met pas les pieds sur la banquette, pour ne citer que deux exemples. Par ailleurs, la plupart du temps, le jugement ne modifie pas le comportement. Vous aurez beau dire à quelqu'un que son comportement lui est préjudiciable ou préjudiciable à la société, cela ne changera rien. Il existe aussi la bienveillance que l'on rencontre plus rarement dans la vie, tel ce professeur d'allemand qui donnait pratiquement les mêmes notes à ceux qui étaient incapables de faire une phrase en allemand et à ceux qui étaient presque bilingues.

    Le premier jugement est esthétique, sauf bien sûr pour les aveugles qui je suppose, choisissent leur conjoint sur d'autres critères. Ce jugement s'il est favorable est souvent exprimé et tu s'il est défavorable. Cela est tant mieux, car à quoi sert-il de dire à quelqu'un qu'il est disgracieux. Cela fait partie de la civilité la plus élémentaire de ne pas exprimer ce genre de jugements. Néanmoins que vous le reconnaissiez ou non, vous portez ce premier jugement sur les autres. Cette attitude n'est pas très chrétienne, Pour les Chrétiens et pour les adeptes d'autres religions, seul Dieu a le droit de juger et c'est d'ailleurs ce qu'ont exprimé entre autres certains nazis lors de leur procès. Pour les Chrétiens non seulement seul Dieu a le droit de juger mais en plus porter des appréciations esthétiques sur les autres est inapproprié. Cette attitude est bien sûre hypocrite et ne change rien à la réalité. Pour les croyants, qu'ils soient d'ailleurs, chrétiens, juifs ou musulmans, viendra le jour du jugement dernier. Nul ne connaît d'ailleurs les critères de jugement de Dieu. On peut tout au plus supposer qu'ils sont moraux. Il y a fort à parier que c'est le jugement qui a fait dire à Jean-Paul Sartre que l'enfer c'est les autres. N'oublions pas le rapport entre le pouvoir et le jugement. Le président et le premier ministre se jugent mais seul le premier a le droit de congédier le second. Le jugement de nos supérieurs nous est souvent plus important que celui de nos égaux. Le jugement est parfois caricatural et de mauvaise foi comme en politique.  Il n'empêche qu'une société sans jugements ne peut pas fonctionner : imaginez la circulation sans gendarmes et sans code de la route.  Il faut bien sûr éviter les excès pour ne pas connaître les conséquences  de ces excès tel ces suicides d'adolescents fragiles subissant les moqueries et les jugements de leurs semblables.  Parmi tous ces jugements, pourquoi ne pas mentionner le jugement érotique, le seul peut-être qui soit objectif et sincère car comme le chantait Brassens en son temps, la bandaison, ça ne se commande pas.

    Il est d’habitude dans les cafés-philo de dire qu’il est préconisé de ne pas faire de jugements de valeur. Le jugement de valeur est un jugement à controverse mais ne venons-nous pas aussi au café-philo pour la controverse ? Il ne me reste plus qu'à attendre non pas  tellement le jugement sur mon texte, ce qui est d'intérêt mineur, mais votre propre jugement sur le jugement.

     


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