• La séduction

    Ce sujet est d'actualité en cette période pré-totalitaire, où sous de fallacieux prétextes sanitaires, le pouvoir cherche, entre autres funestes manipulations, à imposer la distanciation dite sociale, en réalité physique. Face à cette tentative de façonnage du mental qui entre dans le processus de "décivilisation" en cours, il convient de riposter, par exemple en redécouvrant ce qui fait le charme des relations humaines tout autant que de la culture qui donne un écrin à celles-ci. 

    La volonté de séduction naît de la sympathie que nous éprouvons pour une personne. Comment naît la sympathie? Nul ne le sait. Mais à partir du moment où naît ce sentiment, il nous entraîne à avoir une relation particulière (en ce sens qu'elle n'est plus simplement fondée sur des règles de civilité) avec qui nous pensons avoir des "affinités électives". Nous cherchons à séduire: le mot est dérivé du latin seducere, signifiant littéralement « tirer à l'écart ". Cet individu, objet de l'attention qu'on lui porte, est donc en quelque sorte, tirée à l'écart, elle sort de l'anonymat pour devenir une personne, une "belle personne" dit-on même. On a envie de la complimenter, de lui décerner des éloges et de lui tresser des lauriers, voire de la flatter. Dans ce cas, on franchit un palier, puisque l'on cherche obtenir une faveur (voir sujet de la semaine dernière). Que fait-on alors? On cherche à donner une image avantageuse de soi, on veut susciter auprès de cette personne une émotion positive, afin d'être admiré, envié, convoité, bref désiré. Car vouloir séduire, c'est chercher à être désiré. On est pourtant rarement dans la passion, quoique celle-ci peut en découler, mais on reste plutôt dans le jeu, celui de l'amour et du hasard dans le style de Marivaux, d'où l'expression bien française de marivaudage.

    Dans les religions monothéistes, le terme de séduction a une connotation négative. Séduire, c'était entraîner vers le péché. Le serpent, incarnant Satan, a séduit Eve et l'a incité à pécher. Le Séducteur est un terme pour désigner le Malin, et celui-ci n'a de cesse d'entraîner ses victimes vers la voie menant à la séparation, à la ségrégation, au conflit. En ce sens, les élites politiques actuelles sont véritablement "satanistes".

    Lorsque, de la séduction naît l'amour, on est naturellement porté à rendre permanent ce désir de séduction, à lui assurer une assise qui échappe au temps. Il devient le ciment qui permet au couple de vivre dans la durée. Ceci a été merveilleusement décrit par Flaubert, dans "Mme Bovary".

    Bien que dans le cas présent, Mme Bovary, séduite par un amant alors qu'elle est mariée, rêve de celui-ci. Et son époux pense qu'elle est épanouie grâce à lui...

     

    "Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu'à cette époque, elle avait cette indéfinissable beauté qui résulte de la joie, de l'enthousiasme, du succès, et qui n'est que l'harmonie du tempérament avec les circonstances. Ses convoitises, ses chagrins, l'expérience du plaisir et ses illusions toujours jeunes, comme font aux fleurs le fumier, la pluie, les vents et le soleil, l'avaient par gradations développée, et elle s'épanouissait enfin dans la plénitude de sa nature. Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ces longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu'un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres, qu'ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. On eût dit qu'un artiste habile en corruptions avait disposé sur sa nuque la torsade de ses cheveux. Ils s'enroulaient en une masse lourde, négligemment, et selon les hasards de l'adultère qui les dénouait tous les jours. Sa voix maintenant prenait des inflexions plus molles, sa taille aussi ; quelque chose de subtil qui vous pénétrait se dégageait même des draperies de sa robe et de la cambrure de son pied. Charles, comme aux premiers temps de leur mariage, la trouvait délicieuse et tout irrésistible.

    Quand il rentrait au milieu de la nuit, il n'osait pas la réveiller. La veilleuse de porcelaine arrondissait au plafond une clarté tremblante, et les rideaux fermés du petit berceau faisaient comme une hutte blanche, qui se bombait dans l'ombre, au bord du lit. Charles les regardait. Il croyait entendre l'haleine légère de son enfant. Elle allait grandir maintenant ; chaque saison, vite, amènerait un progrès. Il la voyait déjà revenant de l'école à la tombée du jour, toute rieuse, avec sa brassière tachée d'encre, et portant au bras son panier ; puis il faudrait la mettre en pension ; cela coûterait beaucoup ; comment faire ? Alors il réfléchissait. Il pensait à louer une petite ferme aux environs, et qu'il surveillerait lui-même, tous les matins, en allant voir ses malades. Il en économiserait le revenu ; il le placerait à la caisse d'épargne ; ensuite il achèterait des actions, quelque part, n'importe où ; d'ailleurs, la clientèle augmenterait ; il y comptait, car il voulait que Berthe fût bien élevée, qu'elle eût des talents, qu'elle apprît le piano. Ah ! qu'elle serait jolie, plus tard, à quinze ans, quand, ressemblant à sa mère, elle porterait comme elle, dans l'été, de grands chapeaux de paille ; on les prendrait de loin pour les deux sœurs. Il se la figurait travaillant le soir auprès d'eux, sous la lumière de la lampe ; elle lui broderait des pantoufles ; elle s'occuperait du ménage ; elle emplirait toute la maison de sa gentillesse et de sa gaieté. Enfin, ils songeraient à son établissement ; on lui trouverait quelque brave garçon ayant un état solide ; il la rendrait heureuse ; cela durerait toujours.

    Emma ne dormait pas ; elle faisait semblant d'être endormie ; et tandis qu'il s'assoupissait à ses côtés, elle se réveillait en d'autres rêves."

    Jean-Luc 


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