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  • S'adapter, est-ce se soumettre?

     

     

     

     

     

    "On ne commande à la nature qu'en lui obeissant", écrivit Francis Bacon, un sujet de sa grâcieuse majesté de l'Empire britannique, qui vécut il y a près de 5 siècles. Ce qui distingue l'homme de l'animal, c'est que ce dernier est entièrement soumis à son instinct auquel il ne peut qu'obéir, il a connaissance d'une situation donnée, mais face au danger, il ne peut que réagir et non pas agir. Pour lui, adaptation signifie soumission, mais évidemment, il n'en est pas conscient. L'être humain, au contraire, dispose d'un pouvoir de réflexion, ce qui lui permet d'analyser une situation et d'anticiper les évolutions qui pourraient se produire. Il peut donc agir, non seulement en fonction de sa survie, mais également en fonction de priorités qu'il a pu préalablement définir. Qu'est-ce que la réflexion, sinon un outil de connaissance et d'appréciation de la réalité?

     

    La nature offre de nombreuses potentialités, dont on peut en tirer un avantage, mais il ne sert à rien de lui donner des ordres comme on le ferait pour un animal domestique. La nature est un trésor, mais que d'efforts n'a-t-il pas fallu déployer pour en tirer la substantifique moëlle? Le résultat en vaut la peine, si l'on en juge par tout ce qu'a réalisé l'être humain depuis l'âge des cavernes. L'intelligence permet, à force d'observation et d'étude, de comprendre ce qui est, d'envisager à partir de ce qui a été découvert ce qui est souhaitable et pourrait être avantageux. Mais avant de faire, il faut connaître, et pour connaître, il faut s'immerger dans ce qui est, s'adapter aux contraintes que l'on est amené à rencontrer. Est-ce pour autant s'y soumettre? On se soumet à une autorité soit parce qu'on la considère comme légitime, soit, et c'est plus déplaisant, par coercition, en espérant toutefois trouver le moyen d'échapper à ce qui s'apparente alors à une domination, à un assujetissement. Dans le premier cas, la soumission est une source de contentement parce qu'elle n'est rien d'autre qu'une acceptation volontaire de ce qui n'est pas ressenti comme étant aliénant, dans le second cas, ce sera vécu comme une dépendance au mieux déplaisante, au pire douloureuse.

     

     

     

    Mais la nature n'est pas une autorité, elle est simplement ce qui est dans le meilleur des mondes possible, pour reprendre la célèbre formule de Leibniz. De sorte qu'elle représente donc simplement ce qui est par nécessité lorsqu'en son sein, une espèce intelligente, capable de l'étudier et de la comprendre, est apparue. Dès lors, s'y adapter ne représente en aucune manière un signe de soumission mais traduit plutôt un effort de lucidité et une recherche de clarté intellectuelle, puisque, par un bon usage de ses potentialités, celui qui a fait un effort en ce sens peut considérablement améliorer les conditions d'existence de ses congénères. Mais, comme il a été dit, pour commander à la nature, l'exploiter à son avantage, il faut en connaître les lois.

     

     

     

    Voilà pour la nature. Qu'en est-il en ce qui concerne les humains? Ceux qui détiennent le pouvoir, lesquels, et c'est peu de le dire, ne sont pas systématiquement une source d'autorité légitime, font de la connaissance un usage qui répond avant tout à leur intérêt. Celui-ci est toujours le même: assurer leur maitrise sur autrui, et mettre en place de quoi contrôler autrui. Pour ce faire, ils ont toute une panoplie dans leur boite à outils pour tromper les gens, dans le but de les manipuler si ce n'est de les asservir. Il s'agit de privilégier alors les croyances, les superstitions, les dogmes et autres élucubrations non fondées sur la raison. Cela peut arriver notamment lorsque se produisent des événements non souhaités comme, par exemple, les maladies. Confrontées à celles-ci, il n'y a d'autre choix, dans un premier temps, que de s'y adapter. Quand à s'y soumettre, il ne saurait en être question. Que faire alors face à cette contrainte? Actuellement, en Occident, où l'idée de souveraineté a été évincée pour évacuer la notion d'intérêt général au profit du seul intérêt privé privilégiant principalement l'oligarchie mondialisée, l'industrie pharmaceutique est devenue une activité économique comme une autre. Son objet n'est pas tant de soigner (prétexte) que de faire du profit (finalité). En a-t-il toujours été ainsi? Evidemment non. Cette question a été traitée par J. Attali, dans un ouvrage paru en 1979, "L'ordre cannibale": (https://www.youtube.com/watch?v=GWamYYKXznY).

     

     

     

    Attali constate que le cannibalisme était assez répandu chez les peuples primitifs et il établit que celui-ci avait une fonction, entre autres, médicale. Comme la pensée humaine, dès son origine, est presque toujours confuse parce qu'ambivalente, manger un cadavre supposait pouvoir, par ce biais, s'attribuer les mérites du défunt. Mais cela faisait aussi disparaître en l'ingérant, le corps de celui dont on soupçonnait qu'il pouvait propager des maladies. L'acte fut rapidement ritualisé, ce qui lui conférait de la sorte du sens. En effet, en général et particulièrement dans les sociétés primitives, quoiqu'on fasse, il est toujours préférable de s'assurer la complicité des dieux. S. Freud, dans "Totem et tabou" avait également émis l'hypothèse que les fondements de la civilisation reposent sur le meurtre et l'ingestion du chef de horde, de sorte que le souvenir du repas totémique s'est transformé en culte, où l'on honorait la mémoire du chef rendu inoffensif et puis, le souvenir s'effaçant, en culture par l'établissement de tabous, de règles auxquelles nul ne pouvait déroger. Pour certaines civilisations comme pour les peuples primitifs d'Amérique Latine, le repas totémique était destiné directement aux dieux. Là, plus qu'ailleurs, le sacrifice humain avait exclusivement une fonction religieuse. 

     

     

     

    On notera que dans l'Antiquité européenne, il arrivait que même les dieux se dévorent entre eux, ce fut notamment le cas de Kronos, faisant un repas de ses fils. Tout ceci, était-il de l'adaptation à un réel qu'on cherchait à amadouer en s'adressant à ces êtres mythiques que sont les divinités, ou de la soumission à des fantaisies psychiques, voire à des hallucinations collectives? Les deux, très certainement. On notera que le rite chrétien de communion, reprend sous une forme symbolique, l'appropriation par ingestion du "corps du Christ", acte qui ouvrirait, s'il est complété d'un repentir sincère, les portes du royaume céleste. Avec l'apparition du christianisme, les prêtres se sont d'ailleurs présentés comme d'authentiques guérisseurs. Certes, il s'agissait plus de guérir l'âme, souvent flétrie par l'influence du Malin, que le corps. Celui-ci, étant appelé à ressusciter après la mort, on pouvait quelque peu le négliger durant son séjour terrestre, vu qu'il semblait certain que le corps ressuscité jouirait au ciel d'une étincelante santé. En attendant cet avènement, l'Eglise restait méfiante envers ceux et surtout celles qui avaient eu la mauvaise idée de chercher à connaître les vertus des en plantes médicinales. Beaucoup en payèrent le prix en finissant sur un bûcher. Car il fallait justifier la maladie par la désobéissance aux injonctions divines, le rôle des prêtres était donc d'inciter à la contrition ouvrant la voie au rachat des péchés par la pénitence et non à ceux et surtout celles qui cherchaient des dérivatifs face à un sincère et authentique repentir. La seule chose qui était admise, voire encouragée, était l'intercession des saints guérisseurs, mais le résultat restait aléatoire; le site wikipedia en recense 148 ( https://www.wikimanche.fr/Saints_guérisseurs). L'adaptation aux désagréments générés par la maladie impliquait donc la soumission aux commandements divins et donc plus trivialement aux lois de l'Eglise. La fonction de cette institution étant restée plus de nature consolatrice que de soins thérapeutiques.

     

     

     

    Mais lorsqu'à partir du XIIe siècle commença une longue période où de grandes épidémies ravagèrent à intervalle plus ou moins régulier les populations, l'Eglise eut parfois du mal à contenir ses ouailles. Le pouvoir politique était encore embryonnaire, mais progressivement, il devint suffisamment influent pour chercher à combattre lui-même le mal. On se mit à estimer que les épidémies étaient propagées par ceux qui n'avaient pas de domicile, à savoir les mendiants. On fit donc la chasse aux pauvres, les pauvres étant en effet fréquemment malades de même que les malades, vu leur état, étaient toujours pauvres. Par extension, on trouva comme bouc émissaire idéal, le juif errant, d'autant plus coupable qu'il était non seulement errant mais qu'il incarnait le peuple déicide. Des progomms eurent alors lieu à intervalle régulier. Quant aux pauvres, on les relégua, autant que faire se pouvait dans des hospices, lieux où, en théorie du moins, on pratiquait l'hospitalité. D'abord sous le contrôle des évêchés, les hospices furent ensuite administrés par le pouvoir royal. Leur fonction consistaient autant dans le contrôle social, à savoir mettre sous surveillance ce qu'on appellera par la suite les classes dangereuses que le soin proprement dit. Pour les "défavorisés" de ces époques-là, l'adaptation consistait à l'acceptation de la mise à l'écart définitive de la société et la soumission à l'ordre social ambiant. 

     

    La situation n'évolua vraiment qu'au XIXe siècle. Ce fut le siècle de l'industrialisation et du machinisme et comme on avait besoin de bras, ce fut le corps humain lui-même qui fut considéré comme une machine. La révolution industrielle, au fur et à mesure qu'elle se développait, allait avoir besoin d'un nombre croissant d'ouvriers. L'exode rural parvenant tout juste à fournir la main d'oeuvre nécessaire, il était donc nécessaire de traquer ce qui pouvait affaiblir leur force de travail. Désormais, de manière très mesurée cependant, on allait de moins dénoncer les pauvres, car on en avait besoin, mais on allait chercher à enrayer la pauvreté qui affaiblissait les corps. Attali constate que l'ouvrage principal du très productiviste Marx (mais à cette époque-là, tout le monde l'était), le Capital, est en grande partie une succession de rapports médicaux. S'adapter revenait à se soumettre au nouvel ordre économique et donc faire en sorte, dans la mesure du possible, de garder un corps en état de travailler. Celui qui ne le pouvait plus, était condamné à la mort sociale, puis à la mort tout court. La société industrielle, qu'elle fut capitaliste ou d'ailleurs communiste, reposait sur ce que l'auteur appelle "un cannibalisme industriel". Et en effet, le communisme s'est très vite révélé comme étant une recréation du cannibalisme industriel qui avait pris son essor dans l'économie capitaliste. Lorsqu'éclata la révolte des marins de Cronstadt, dont le centenaire a été passé sous silence par les derniers camarades, le mot d'ordre était:" Droits égaux pour tous, privilèges pour personne". C'en était trop pour la nouvelle aristocratie prolétarienne, et "le petit père des peuples" sut se souvenir avec constance de la manière dont cela s'était terminé. 

     

     

     

    La maladie, en Occident, a donc été une préoccupation constante au fil de l'Histoire. De châtiment divin, elle est devenue ce qu'il fallait cacher puis, lorsqu'il a fallu produire à grande échelle, soigner sans que cela coûte trop cher. Les pouvoirs successifs durent s'adapter à ce fléau qui pouvait toujours être une source de désordre. Pour lui, la question n'était pas de s'y soumettre ou pas, mais d'accompagner la maladie, de l'adapter aux contraintes sociales. Le prêtre, le soldat et enfin le médecin ont eu cette fonction. La maladie est une violence infligée par la nature, la mission de toute société est de gérer la violence, à défaut de pouvoir l'éradiquer. Enfin, pour les sociétés post-industrielles qui sont apparues avec l'idéologie néolibérale, la maladie n'est plus appréhendée comme une contrainte et un coût, mais comme une source de profit tout en restant un instrument de domestication sociale. Déjà en 1979, Attali avait pointé le danger, sous prétexte de progrès, d'une aliénation volontaire à un ordre médical. L'intuition s'est révélée exacte car on vient s'apprendre qu'il n'y avait rien de mieux, qu'une bonne pandémie, dont on a considérablement surestimée la dangerosité, pour apprendre aux gens à se surveiller eux-mêmes, à considérer autrui comme une potentielle menace pour leur santé ou leur bien-être. Ceux qui refuseraient ou mettraient simplement en doute les injonctions gouvernementales doivent être présentés par les medias comme des inadaptés sociaux, des insoumis stupides, en quelque sorte des éléments "socialement nuisibles" comme on disait dans l'URSS de naguère.

     

     

     

    Au sein d'une société, l'adaptation de son comportement à ses commandements n'est pas possible si elle entraîne une recherche d'accommodement qui serait suivi d'un renoncement à être ce que l'on désire être et par conséquent d'une servitude volontaire. Or le nouvel ordre mondial que certains appellent "great reset" (grande réinitialisation), impose de faire preuve de lucidité et de clairvoyance. Car l'ordre néolibéral impose d'évacuer le pouvoir des Etats pour le transférer aux multinationales et aux plus influents fonds d'investissement. Ceux-ci ont senti passer le vent du boulet lors de la crise de 2008, dite des "subprimes". A l'époque, ces entités s'étaient estimées "too big to fail". Mais certaines ont sombré tout de même. Pour les autres, elles ont mis en demeure les Etats de les renflouer et les Etats ont obtempéré. Les premiers affirmaient ne pouvoir s'adapter au nouvel ordre que l'on disait encore mondial que si les seconds se soumettaient. L'évolution en cours actuellement est de se libérer de toute tutelle et de prendre la place des Etats qui se transforment peu à peu, sauf pour les questions militaires, en coquille vide. Leur pouvoir se limite de plus en plus à infantiliser les populations en multipliant les normes crétinisantes, mais en ne dirigeant plus rien. Wokisme, cancel-culture, antifas, black blocs et idéologues LGBT ne sont qu'un nouveau prurit petit-bourgeois, lancé par la nouvelle caste pour brouiller les cartes (la nouvelles caste étant celle de Warren Buffet pour qui la lutte de classes au XXIe siècle s'est soldée par la victoire des milliardaires). De même, on n'entendra jamais le candidat de la prochaine présidentielle mis sur orbite par l'un des grands patrons du CAC 40, parler du "great reset". Les libéraux libertaires, orfèvres de l'évacuation de la conscience de classe et de son remplacement par la victimisation et la mise en scène de leur prétendu ressentiment, sont tout autant instrumentalisés que les libéraux conservateurs pour qui l'irritation face aux agissements des premiers tient lieu de programme politique (qui se résume en gros à la dénonciation de l'islamo-gauchisme). L'actuel envoûtement des consciences par le mysticisme sanitaire va-t-il permettre la bascule et conférer tout le pouvoir à l'oligarchie mondialisée qui manipule tous ces idiots utiles pour réaliser son modèle de société néo-féodal? L'ahurissante et obscène propagande sanitaro-sécuritaire en cours doit nous inciter à la méfiance. Plus que jamais, il convient ne pas oublier la sommation du ministre de la propagande nazie, J. Goebbels: "La technique de propagande la plus brillante ne remportera jamais de succès tant qu'un principe fondamental ne sera pas constamment gardé à l'esprit : il faut se limiter à quelques points et les répéter encore et encore". C'est bien ce que font les partisans de l'hystérie sanitaire actuellement.

     

     

     

    Il ne faut jamais s'adapter à quoi que ce soit si le résultat en est la soumission et la servilité. En toute circonstance, il faut savoir conserver son esprit critique et décrypter les manoeuvres de camouflage des pouvoirs. Y renoncer, c'est ouvrir la porte à tous les apprentis sorciers. A l'ennemi, il ne faut pas dire, comme le font les caniches bien-pensants: "vous n'aurez pas ma haine", mais bien au contraire: "Il se peut que vous aurez ma haine". Dans les années 1930, un auteur autrichien maintenant oublié, Max Frisch, écrivait: "Je crains plus le silence des pantoufles que le bruit des bottes". Et en effet, s'adapter au bruit des bottes en restant dans ses pantoufles revient à se mettre soi-même la corde autour du cou.

     

     

     

    Un peu d'humour pour terminer. Le raton-laveur, dans la langue anglo-saxonne, se dit "racoon", mot dont l'anagramme est corona. Le raton-laveur ressemble à un animal masqué, de sorte que l'on pourrait dire que celui dont l'anagramme est "monarc" veut nous transformer en un agglomérat de raton-laveurs. 

     

     

    Jean Luc


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  • Existentialisme ou essentialisme : quelle philosophie choisir ? 

     

     

     

    En parcourant internet, je me suis aperçu qu’il y avait deux concepts de l’essentialisme. Le premier concept consiste à dire qu’un essentialiste se contente de ce qui est essentiel et laisse de côté ce qui est superflu. L’essentialiste dans ce cas est un minimaliste. Dans ce débat, on se contentera d’aborder le deuxième concept où l’on considère que les êtres humaines ont d’abord une essence avant d’avoir une existence. L’essence d’un coupe-papier est de couper le papier et le coupe-papier a d’abord été pensé avant d’exister et il m’est difficile de comprendre que l’on ne soit pas d’accord avec cette idée. Pour les êtres humains, c’est plus complexe et nous allons en débattre. 

     

    Depuis l’antiquité, les philosophes se sont toujours écharpés pour savoir si les personnalités et les comportements humains sont inscrits dans chaque individu depuis la naissance ou sont vides à la naissance et se construisent au fil de la vie et des expériences des individus. C’est le vieux débat entre l’inné et l’acquis. Ce débat a bien commencé bien avant qu’on ait la moindre notion de génétique, de biologie, de sociologie, de psychologie etc. Ce débat n’avait donc rien à voir à la base, avec la part de l’influence biologique et la part de l’influence sociale sur les individus. On peut aussi faire le rapprochement avec le débat nature ou culture ou plus récemment avec le débat génétique ou épigénétique. Dans le même ordre d’idées, nous avons le débat : existentialisme ou essentialisme.

     

    L’essentialisme c’est penser que chaque catégorie a une essence, une nature, une vérité profonde qui ne dépend pas de nous. Pour Leibniz, Dieu choisit l’essence de chaque être et donc le destin de chacun est tracé à l’avance. Ce qui par exemple fait dire à certains que l’homosexualité c’est contre-nature. Ainsi par exemple, puisque , Dieu  dans la bible nous a ordonné de croître et de se multiplier ; si l’on observe que pour faire des enfants, il faut pratiquer le coït entre un homme et une femme, alors Dieu a voulu qu’il existe deux catégories d’humains bien distincts : les hommes et les femmes. Il a voulu que l’on se serve  de nos organes sexuels uniquement pour la pénétration d’un pénis dans un vagin et uniquement dans le but d’avoir des enfants. Toute autre pratique est un péché qui consiste à aller contre l’essence de l’homme, de la femme, de la sexualité et de la reproduction. Beaucoup de gens ont renoncé à la croyance en Dieu sans renoncer à l’essentialisme. Il me semble que la plupart des gens sont des essentialistes. La plupart des gens par exemple considèrent que la santé c’est une question de chance, que s’ils ont le cancer c’est parce que cela devait arriver. Il en est tout autrement avec l’existentialisme. 

     

    Il existe l’existentialisme chrétien avec Pascal et Kirkegaard et de l’autre côté l’existentialisme athée avec Sartre et Heidegger. Pour l’existentialisme chrétien, il y a d’abord Dieu qui crée l’homme et donne un sens à sa vie. La phrase-clé de l'existentialisme athée est : l’existence précède l’essence. L’existentialisme est d’une certaine manière une religion de la liberté. L’homme existe tout d’abord en venant au monde et ensuite seulement il se définit. On pourrait définir l’existentialisme par cinq idées majeures.

     

    Idée n°1

     

    L’homme est défini par ses actes. 

     

    Nous sommes ce que nous faisons.  Si nous faisons du sport, nous allons devenir des sportifs. Nous ne sommes que la répétition de nos actes. 

     

    Idée n°2

     

    Nos sentiments sont caractérisés par nos actes.

     

    Nos sentiments se pratiquent.  Par exemple, pour être plus heureux, il faut faire des actes qui nous rendent plus heureux. 

     

    Idée n°3

     

    L’homme est entièrement responsable de sa vie.

     

    Il est entièrement libre de faire sa vie comme il l’entend.

     

    Idée n°4

     

    Cette entière responsabilité crée de l’angoisse chez l’homme. 

     

    Par exemple, celui qui ment ou agit mal a mauvaise conscience. 

     

    Idée n°5  

     

    L’homme est condamné à être libre. 

     

    L’homme est jeté dans le monde et ensuite il est condamné à faire des choix. 

     

    Nous avons donc compris que pour les existentialistes, l’homme n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite et il sera tel qu’il se sera fait. L’homme est entièrement libre et une fois jeté dans le monde, il sera entièrement responsable de ses actes. 

     

    Il faut être philosophe et totalement dépourvu de toute notion scientifique pour soutenir ces deux thèses.  A la naissance, tous les bébés se ressemblent énormément mais tous n’ont pas les mêmes potentialités. Il est évident que dès la naissance, certains ne pourront devenir champions olympiques du 100m, d’autres ne pourront pas devenir des acteurs de cinéma jouant des rôles de séducteur. Vous pouvez m’objecter qu’ils pourront devenir plein d’autres choses mais pas forcément ce qu’ils auraient voulu devenir. Par ailleurs, pourrions-nous être entièrement responsables de nos actes? Pourrions-nous  par exemple délibérément choisir d’être pédophiles ? Comment pourrions-nous expliquer des comportements comme l’agression, la compétition, la coopération, l’empathie sans recourir à la biologie. Pour autant, on ne peut s’appuyer entièrement sur la biologie pour expliquer le comportement humain. Vouloir expliquer le comportement humain est affreusement compliqué. Il faudrait évoquer la chimie du cerveau, les gènes, les hormones, les bactéries dans l’intestin, l’environnement prénatal, les expériences dans l’enfance, l’environnement social, le contexte historique et plein d’autres choses. Un comportement vient d’avoir lieu et je ne parle pas d’un comportement anodin comme prendre le sel à table. Prenons comme exemple une altercation entre Pierre et Paul. Qui a agressé le premier et peut-être avait-il de bonnes raisons de le faire ? La première explication pourrait être d’ordre neurobiologique. Quelle perception, quel son, quelle odeur a déclenché ce comportement ? Quelles hormones sont entrées en jeu dans ce processus ? On peut aller plus loin et remonter dans l’enfance de l’individu pour trouver des explications.

    Une personne qui prend des drogues comme des antidépresseurs est-elle encore elle-même et par là même responsable de ses actes ? On pourrait évoquer John Watson l’auteur du behaviorisme et d’autres théories. A l’évidence, la philosophie de l’existentialisme ne tient pas la route.

    Je n’accorde pas plus de crédit à la philosophie de l’essentialisme.

    Qui pourrait croire que tout serait déterminé à l’avance ? Que Pierre ne pouvait se marier qu’avec Marie. Si Pierre s’est marié avec Marie, il fallait déjà qu’ils fassent connaissance soit à l’université ou au travail ou sur internet. Il fallait qu’ils se plaisent, qu’ils aient envie de se marier tous les deux de manière concomitante. Il est bien sûr impossible de prouver que nous ne sommes pas des marionnettes, des pions comme dans le film Matrix. Nous pouvons bien sûr avoir l’illusion que nous avons un libre-arbitre, que notre destinée n’est pas programmée comme la date de notre mort par exemple.

    Jean-Paul. 

     

     

     

     


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  • Nous nous sommes tous un jour posés cette question, car nul ne peut y rester étranger ou indifférent, même si certains peuvent arriver à la cacher plus ou moins hermétiquement dans un coin de leur esprit. Si nous acceptons de nous la poser en toute conscience, cette question nous met mal à l'aise et nous plonge dans l'urgence d'essayer d'y répondre.

    On peut la décliner sous différentes formes, de la plus personnelle à la plus générale, en l'associant à des questions très voisines :

     

    Au niveau personnel :

    -          pourquoi est ce que j'existe ?

    -          quel est le sens de MA vie ?

    -          ma vie a-t-elle un but ?

    -          ma vie a-t-elle quelque valeur ?

    -          ma vie doit-elle avoir un sens pour avoir de la valeur ?

    -          pourquoi est ce que je fais ce que je fais ?

    -          à quoi bon faire ce que je fais ?

    -          pourquoi faire des enfants ?

     

    Au niveau de la vie (du vivant) en général, et de l'humanité en particulier :

    -          la vie est-elle fondamentalement différente de ce qui est inanimé ? Pourquoi ?

    -          la vie a-t-elle une finalité ?

    -          la vie évolue t-elle dans un sens (direction) précis ?

    -          l'humanité a-t-elle une finalité, un but ?

    -          ce but est-il différent de celui des individus qui la composent ?

     

    Au niveau du monde, de l'univers :

    -          pourquoi le monde existe-t-il ?

    -          pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

    -          pourquoi s'agiter dans toutes les directions pendant quelques instants sur un grain de poussière perdu dans l'univers ?

    -          quelle est la signification de tout ça ?

     

    Sans oublier les questions transversales, ou d'un degré supérieur :

    -          pourquoi la vie, ma vie, devrait-elle avoir un sens ?

    -          d'où nous vient l'idée que la vie devrait avoir un sens ?

    -          quelle est la valeur de l'idée selon laquelle la vie devrait avoir un sens ?

     

    Toute question appelant une ou des réponses, les hommes ne se sont pas privés, au cours de l'histoire, de tenter d'en fournir quelques unes. Ces tentatives de réponses peuvent se classer en trois catégories :

     

    -          Pour les croyants, Dieu, quel qu'il soit, est la réponse à toutes les questions. Selon les religions, les réponses données diffèrent quelque peu, abondent en détails aussi bien pratiques que spirituels, mais sont en général explicites, et sont le support d'une morale et de règles de vie bien déterminées, la plupart du temps à partir d'une parole ou d'un Livre sacré ;

    -          Pour les théistes, ceux qui croient en l'existence d'une transcendance sans en faire une religion, la seule réponse, très générale, est qu'il y a un sens à la vie, mais qu'il nous est caché ou inconnaissable. Le théiste est rassuré, en quelque sorte, par cette unique croyance, mais c'est à lui de définir ensuite librement ses règles de vie, sa morale et son explication du monde dans le cadre du groupe humain auquel il appartient ;

    -          Pour les athées, il n'y a pas de transcendance, d'aucune sorte. L'univers n'a pas été créé, il est ce qu'il est, nous sommes dedans, il n'y a pas de finalité, il n'y a que les lois de la nature. Le sens de notre vie est celui que nous voulons bien lui donner, au travers des valeurs créées par nous-mêmes. Il n'y a que l'homme et l'univers qui l'entoure, et l'homme peut, s'il le veut, y exercer sa liberté. Notre avenir est celui que nous bâtissons nous-mêmes, il n'y a aucun être transcendant pour nous dire ce que nous devons faire.

    Ce sont les philosophes matérialistes et existentialistes qui ont pointé ce qui peut paraître absurde et tragique dans cette conception apparemment sans espoir, mais ils mettent ainsi en valeur la liberté de l'homme et sa capacité à être maître de son destin, quoi qu'il doive lui en coûter. Pas de Dieu, donc, mais la fierté d'être libre et de bâtir nous-mêmes notre destinée : c'est là que réside, pour eux, le sens de notre vie.

     

     

    C'est en nous aidant de ces réflexions d'ordre général que nous pouvons maintenant examiner comment traiter, avec un peu de recul, les questions qu'on se pose tous individuellement, et c'est bien l'objet de notre débat aujourd'hui. Voici quelques pistes sur lesquelles nous pouvons nous aventurer :

     

    Quand nous sommes confrontés à un évènement très douloureux ( perte d'un être cher, souffrance permanente et prolongée de certaines maladies, souffrance d'un enfant,...), quand nous voyons les horreurs qui se déroulent chaque jour dans le monde (épuration ethnique, torture d'innocents, ...), quand nous éprouvons, dans nos actes quotidiens un profond sentiment d'inutilité, nous avons alors tendance à nous poser avec beaucoup plus d'acuité la question du sens de notre vie, que nous soyons croyants ou athées. S'il y a un Dieu, pourquoi cette souffrance et ces épreuves cruelles ? S'il n'y en a pas, pourquoi les hommes, malgré leur intelligence, se comportent-ils de cette façon ?

     

    Si nous pensons vraiment que la vie n'a aucun sens et que nos actes sont absurdes, la seule solution logique serait le suicide. Pourtant, rares sont ceux qui en arrivent là. Il faut donc croire que, malgré tout, il existe un sens caché à notre vie pour qu'on s'y accroche malgré ce qu'on en pense et ce qu'on en dit. Attribuer un sens à sa vie, c'est affirmer qu'elle vaut la peine d'être vécue, c'est se heurter à l'absurde sans jamais baisser les bras, c'est s'y confronter en permanence et chercher sans cesse pour essayer de trouver un début de réponse.

     

    Sans connaître le sens de sa vie, on peut penser clairement qu'il en existe un, le signe qui l'indique étant la joie que l'on éprouve souvent lorsqu'on agit avec et pour les autres, ou que l'on contemple la beauté du monde. Le bonheur, c'est être en accord avec soi, avec les autres, et avec le monde, et c'est ainsi que le sens de notre vie peut se faire sentir.

     

    Au niveau collectif et non plus individuel, on peut se demander également quel est le but, la finalité, de l'humanité ? Selon la théorie de l'évolution, les espèces vivantes se reproduisent et se modifient car elles sont en compétition les unes avec les autres. Le « but » est alors d'être plus fort que l'autre afin de se transmettre dans le temps et ne pas disparaître. C'est dans le cheminement temporel que se révèle ou non la signification de la vie humaine, au travers d'une complexité croissante conduisant à un plus grand contrôle sur son environnement. Mais il faut alors s'interroger, au-delà de ce constat, sur la finalité de ce contrôle : pourquoi cela ? « Qui » « veut » que les espèces soient en compétition et que l'une d'entre elles domine les autres ?

     

    Il y a bien d'autres pistes de réflexion, que le débat entre les participants mettra, je l'espère, au jour.

     


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  • Le hasard

     

     "Les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent, comme eux-mêmes, en vue d’une fin… Si par exemple une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un et l’a tué, voici la manière dont ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer cet homme. Si elle n’est pas tombée à cette fin , par la volonté de Dieu, comment tant de circonstances ont-elles pu se trouver par chance réunies? Peut-être répondez-vous que cela est arrivé parce que le vent soufflait par là et que l’homme passait par là. Mais, insisteront-ils, pourquoi le vent a-t-il soufflé à ce moment? Pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment? Si vous répondez encore: le vent s’est levé parce que la mer, le jour avant, avait commencé à s’agiter, l’homme avait été invité par un ami, alors ils insisteront encore, car ils n’en finissent pas de questionner: pourquoi donc la mer était-elle agitée? Pourquoi l’homme a t-il été invité à ce moment? Et ils continueront ainsi de vous interroger sans relâche, sur les causes, jusqu’à ce que vous vous soyez réfugiés dans la volonté de Dieu, cet asile d’ignorance". (Spinoza)

    De manière générale, on est spontanément méfiant envers ce qui n'a pas d'explication, envers ce qui échappe à toute connaissance quant à ce qui en est la cause. De fait, lorsque le comment échappe à l'investigation, on a tendance à se réfugier dans le pourquoi. Le pourquoi, en vue de quoi, de quelle finalité, mais aussi le pourquoi, au sens de savoir quelle est la cause qui a déterminé ce qui est, comme on le voit bien dans l'exemple de Spinoza. Lorsqu'on n'en trouve pas, on se réfugie dans la finalité. Ce qui est apparu a nécessairement un sens, sinon pourquoi cela serait-il ? Mais pour l'instant, on ne le connait pas, ce qui cause de la frustration.

    Le scientisme, mouvement apparu au XIXe siècle, postule qu'il n'y a pas de phénomène sans cause. Les causes et les conséquences s'emboitent, de sorte qui rien n'est sans cause et donc rien n'est sans explication. Eliminer de la sorte le hasard signifie que tout serait prévisible, mais nous savons que ce ne sera jamais le cas. Ni l'être humain, ni le monde ne sont des machines réglées comme des horloges. Il restera toujours une part de hasard et donc l'irritante  présence de l'asile d'ignorance continuera d'imposer sa lourde insignifiance à notre esprit. Tout ce qui est ne résulte pas exclusivement de mécanismes et donc il faut accepter que se produise des phénomènes aléatoires (relevant du seul hasard). A tout le moins, quand le phénomène n'est pas totalement prédictible, on cherche à s'en remettre à des calculs de probabilité, en se fondant notamment sur des statistiques, ce qui revient à accepter l'existence du hasard.

    On parle aussi de hasard lorsque 2 ou plusieurs séries causales indépendantes, produisent un effet inattendu (le passant, qui ne faisait qu'aller vers une destination, qui reçoit une tuile sur la tête, qui est tombée précisément à ce moment-là car une série de causes l'a fait se détacher du toit à tel moment et non à un autre); on parle aussi d'effet papillon (une cause minime rejoignant fortuitement d'autres causes minimes donne des effets considérables et tout-à-fait inattendus). Le piéton qui voit l'affiche d'un journal et qui, sans qu'il n'en avait l'intention en sortant de chez lui, décide d'acheter le journal en question. Il prend, à la suite d'un autre client, un billet de loto...qui va s'avérer gagnant.

    On voit d'une part que tout n'est pas qu'affaire de déterminisme et d'autre part que le résultat, parfois surprenant, ne dépend d'aucune intention initiale. L'imprévu existe et c'est ce que l'on nomme hasard.

    Jean-Luc

     


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