• Qu’est-ce que la mort ?

    Qu’est-ce que la mort ?

     

    La question peut paraître idiote ou saugrenue. Il faut être bien désœuvré pour se poser ce genre de question. La mort est bien évidemment la fin de la vie.

     

    C’est un phénomène biologique comme la naissance, la puberté ou le vieillissement. La mort est aussi un phénomène social au même titre que la natalité, la nuptialité ou la criminalité. La mort est un phénomène naturel, normal et même nécessaire. La mort est pour nous à l’instant présent un thème abstrait de dissertation philosophique, un concept mais elle sera plus tard une réalité à laquelle nous ne pourrons échapper. C’est le seul sujet que l’on peut penser tant qu’on ne l’a pas vécu : où je suis, la mort n’est pas et quand la mort est là, c’est moi qui ne suis plus. On pourrait même dire que l’homme n’est jamais concerné par sa mort-propre, ni avant puisqu’il est vivant, ni après puisqu’il n’est plus concerné. Il existe pourtant cette nécessité de penser à la mort, ne serait-ce que pour prendre conscience de la vie, de notre vie. Cette vie même peut être brève ou longue et dans ce dernier cas, la vieillesse est l’antichambre de la mort sans que la mort elle-même puisse être considérée comme une chambre. La vie procède par étapes et la dernière étape est la retraite. Le retraité a des plaisirs de retraité, cherche des distractions à sa mesure comme aller au café-philo. A force de vieillir, le retraité s'installe dans une vie au ralenti et le plus souvent la vieillesse affaiblit le goût de vivre en même temps qu'elle diminue la vitalité. L'animal décline mais il n'assiste pas à son propre déclin ; l'homme décline et même temps assiste à son propre  déclin. L’homme finit par mourir à force de vieillir ; et pourtant la mort, si elle est le terminus de la décrépitude sénile, n’en est pas à la lettre la conclusion, puisqu’on peut rester décrépit très longtemps sans mourir et mourir avant d’être décrépit. Nous connaissons tous de belles flétries et en les voyant, nous ne pouvons nous empêcher de penser: hier tu as été belle, aujourd'hui il ne reste plus rien de ta beauté, demain il ne restera plus rien de toi-même. Ce que nous pensons des autres, nous le pensons de nous-mêmes et je me désole en voyant d'anciennes photos. Il est peut-être excessif de dire que le vieillissement est une mort diluée mais il est certain que le vieillissement est une maladie incurable mais nul besoin d’être vieux pour mourir. Qui sait si vous ne serez pas terrassé lors de ce café-philo ou emporté dans votre cuisine ce soir ?

    Certains quittent cette Terre sans dire adieu, la quittant sans le savoir; ne faisant plus tout à fait partie de notre monde en raison de maladies diverses comme Alzheimer. Il est par ailleurs souhaitable d'avoir une belle mort. La plus belle mort n'est-ce pas celle qu'on ne voit pas venir ? Il est toutes fois préférable de la prévoir ne serait-ce que par prévenance envers nos descendants en rédigeant un testament, en préparant sa succession, en organisant ses funérailles. Tout comme on peut rater sa vie, on peut rater sa mort même si de bien entendu il n'est pas possible de parler de mort réussie.

    Pour le moment, l’immortalité n’est pas encore de ce monde mais qu’en sera-t-il demain ? Cet homme immortel sera-t-il encore vraiment un homme ou plutôt une  machine sans cesse réparée et renouvelée ? Certes l’avènement de cet homme immortel n’est pas pour demain mais il n’est pas à exclure. La mort, la plupart du temps est considérée comme le retour à l’inexistant ou le néant sauf pour certaines religions mais sur ce sujet les considérations des religions divergent. Un enterrement catholique est différent d’un enterrement protestant, juif ou musulman et n’a rien à voir avec un enterrement bouddhiste. On sait que la mort arrivera, mais comme on ne sait pas ce qu’est la mort, on ne sait pas ce qui arrivera. Peut-on pour autant dire que la mort est un mystère ?

     

    Le mort ne disparaît pas sans laisser de traces car il reste la dépouille ou l’enveloppe de ce que fut un être vivant. C’est aussi l’ultime dépôt ou l’ultime déchet que l’on laisse et comme tous les déchets, il faut s’en débarrasser.  La mort laisse un corps inerte dont  les vivants devront s’occuper, ce qui nous oblige à dire que la mort n’est pas totalement une disparition. Ce corps mort sera dès lors de diverses manières enterré ou brûlé. Cette nécessité de se débarrasser des corps morts nous assure plus ou moins  que seront exécutées nos dernières volontés. La plupart du temps, nous serons enterrés à côté de nos parents, de nos conjoints. Ce choix de la dernière demeure peut être considéré comme respectable ou ridicule. Le souhait d’être enterré ou brûlé est lui par contre le fruit d’une réflexion plus sérieuse. Empressons-nous d'ajouter que le cimetière est bien quelque part mais la nouvelle adresse de l'inexistant est nulle part; il n'y a pas à vrai dire de dernière demeure. Les survivants désœuvrés, désespérés, impuissants s'adressent à une dalle sous laquelle il n'y a rien. On ne peut pas dire que la mort dans le cercueil est comme le parfum dans le flacon. Il n’y a plus rien, c’est le néant. Il y a ceux qui croient à la réincarnation ou à la résurrection et je suis par avance intéressé par leurs propos.

     

    La mort n’est pas seulement une mésaventure qui arrive aux autres, une éventualité lointaine pour moi, une disparition qui m’affecte mais ma mort pour moi est la fin de tout, la fin du monde et la fin de l’histoire : c’est la tragédie métaphysique par excellence. Pour autant ma mort comme toutes les autres est imperceptible, dérisoire, insignifiante : elle n’est qu’un fait divers c'est-à-dire un fait comme tous les autres. Entre la mort d’autrui, qui est lointaine et indifférente et la mort-propre, il y a la proximité de la mort du proche ; aussi la mort d’un être cher est-elle presque la nôtre, la mort de nos parents fait disparaître le dernier intermédiaire interposé entre la mort en troisième personne et la mort-propre. Ce sera maintenant mon tour et c’est la génération suivante qui pensera désormais la mort à travers ma mort effective.

     

    La mort arrivée, si tout va bien, nous aurons droit à un cercueil et à un enterrement. Selon les circonstances, nous aurons le privilège d’avoir 50 voire 500 personnes à notre enterrement, mais certains iront seuls au cimetière abandonnés de tous et enterrés par les services municipaux. La plupart auront un faire-part dans les journaux mais les personnalités ou les personnes méritantes auront droit à plusieurs. Il est préférable de mourir jeune si vous voulez avoir du monde à votre enterrement mais pour la plupart d’entre nous cette chance est déjà passée. De toute façon, de tout cela nous ne saurons rien pas plus que nous ne saurons si  nos héritiers se sont disputés à propos de l’héritage. Cinquante après notre mort, plus personne ne se souviendra de nous, que l'on ait été Mozart ou Tartempion. Toujours est-il que pour le moment, nous sommes encore bien vivants et je compte sur vous pour que le débat soit intéressant.

     

                                                                                                                                                                                           Jean Paul 


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