• Aime-t-on vraiment et qui aime-t-on ?

    Aime-t-on vraiment et qui aime-t-on ? 

    On peut aimer son conjoint, ses enfants, ses amis ou le chocolat. Contrairement à la langue allemande ou anglaise par exemple, la langue française est dépourvue de subtilité dans ce domaine. Heureusement qu’il nous reste le grec pour nous rappeler qu’éros (l’amour passion), agapé (l’amour du prochain) et philias (l’amour familial) sont bien des concepts différents. C’est une obligation morale d’aimer ses enfants ou ses parents. L’amour que l’on porte à ses amis est plutôt une attention particulière et les implications sont d’habitude modérées. Nous ne parlerons ici que de cet amour appelé éros par les Grecs si abondamment magnifié, exalté, disséqué par les poètes, les romanciers et les chanteurs entre autres. Il n’empêche que le sujet est toujours ou presque, traité de manière superficielle. Les philosophes qui ont le devoir de chercher la vérité ont relativement peu abordé le sujet. Nous savons tous, ce qu’ est être amoureux, mais qu’en est-il d’aimer quelqu’un ? 

    Tout n’est qu’illusions et manipulations. Avez-vous une idée du nombre de films, de romans et de poèmes que vous avez consommés au fil des ans, de la façon dont les artefacts ont sculpté et aiguisé votre idée de l’amour ? Les comédies romantiques sont ce que le porno est au sexe et Rambo à la guerre . Si vous imaginez pouvoir appuyer sur un bouton « supprimer » et effacer toute trace de Hollywood de votre subconscient et de votre système limbique, vous vous faites des illusions. 

    On décrète que l'on aime quelqu'un parce que cette personne vous plait ou parce que les qualités de cette personne vous plaisent. L'amour n'est-il qu'un dérivé de l'intérêt que l'on porte à une personne particulière ? On se décide à aimer quelqu’un lorsqu’on pense avoir trouvé ce qu’il y a de mieux sur le marché compte tenu de sa propre valeur d’échange. Cette décision peut se faire de manière consciente ou inconsciente. Est-ce donc cela l’amour ? Au contraire, l’amour serait-il une forme d’abnégation ou de sacrifice au profit de l’être aimé? Pour prendre un exemple : mon conjoint a un amant ou une maitresse et je l’accepte car il ou elle a peut-être des besoins sexuels ou affectifs supérieurs aux miens et tout ce que je veux c’est son bonheur. L’amour n’est pas forcément intéressé, il peut être altruiste. A priori, personne n’a envie d’épouser une personne handicapée, ou souffrant d’une maladie physique ou psychologique. La plupart du temps, on préfère être amoureux de quelqu’un de beau, intelligent et riche. A l’évidence, c’est la première option qui est la plus répandue. Par ailleurs, la jalousie serait une preuve d’amour alors qu’elle est tout au plus une manifestation du sentiment de propriété. Tout ceci conforte l’idée que l’amour-éros est basé sur l’intérêt. La plupart du temps on assimile l’amour à sa concrétisation qui est le mariage ou toute autre forme de contrat. Tout le monde ne recherche pas forcément la même chose dans le mariage : certains recherchent un partenaire sexuel, d’autres un associé  pour faire fructifier le patrimoine, bien souvent le père ou la mère de ses enfants, d’autres encore cherchent une dame de compagnie ou un infirmier etc. Dans la plupart des cas, c’est bien sûr une combinaison de tout cela. Le troc lui-même existe à l’intérieur du couple : cela peut être une heure de sexe contre deux heures au restaurant. On se marierait de nos jours par amour alors qu’il y a un siècle, il ne s’agissait que de mariages de raison. Il n’empêche que d’un point de vue juridique, rien n’a changé. Les articles du code civil concernant le mariage ne mentionnent pas l’amour mais uniquement le respect mutuel et c’est tant mieux. La plupart du temps, cela se termine mal car les frustrations sont au rendez-vous. Vous épousez un beau jeune homme à 30 ans et 20 ans plus tard, vous vous retrouvez avec quelqu’un qui a de l’embonpoint et des problèmes d’érection. L’amour est basé sur le calcul mais le calcul est mauvais car c’est un calcul bourgeois. Il vaut mieux partager une femme voluptueuse que d’avoir l’exclusivité d’une femme frigide. Il vaut mieux partager un homme performant que d’avoir l’exclusivité  d’un homme impuissant et ennuyeux. 

    Aujourd’hui, l'amour est basé sur l'attraction physique mutuelle. Tellement que l'acte d'amour désigne les relations sexuelles. Toujours est-il qu’un patrimoine ou une situation avantageuse peut compenser un physique défaillant. La nature humaine ne change pas et il y a quelques siècles, dans une prose admirable Blaise Pascal écrivait. « Celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées ». 

    Si demain un clone vous remplace, votre conjoint ne remarquera rien et cela lui sera d’ailleurs indifférent pourvu que ce clone réchauffe le lit, fasse jouir, tienne compagnie, serve de chauffeur, sois un compagnon de voyage etcJean-Paul.

     


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